Alors que la nature amorce un repos , les randonneurs sont encore en pleine activité. Grand soleil ou ciel mitigé, nos motivations sont intactes pour partir en montagne.
Chaque randonnée nous réserve toujours une nouvelle ambiance ...
Les chemins noirs
Les chemins noirs n’ont pas à voir avec le manque de neige. Actuellement au contraire, nos chemins déneigés ont osé depuis quelques temps leurs premières fleurs et s’égayent au fur et à mesure des jours. Bravant février et le retour du froid possible, hépatiques potentilles érythrones tussilages et gentianes printanières sont déjà là.
Les chemins noirs, c’est tout autre chose. C’est l’expression de Sylvain Tesson désignant les chemins anciens et oubliés de notre pays, ceux que la modernité avec ses routes, ses autoroutes, ses ronds points, ses voies ferrées, ses couloirs aériens, ses villes tentaculaires, ceux donc que la modernité et son mode de vie a amputé et abandonné. Les chemins noirs , c’est ainsi le titre du récit de son épopée piétonne sur une diagonale Sud-Est/Nord-Ouest de la France*. Tout en suivant les vestiges d’une ruralité ancienne, l’auteur les confronte au monde d’aujourd’hui. Il rencontre, il commente, il ironise, il philosophe, il se joue des contrastes. La marche invite à la pensée. Et nous, parcourant avec l’auteur les chemins noirs, nous nous y perdons aussi, dans ses pensées et dans les nôtres. Nous avons envie de vivre aussi cette anti-course contre le temps. Marcher juste pour être là au moment où nous y sommes, pour mieux ressentir l’épaisseur du temps, pour voir ou surprendre ce qui se présente sur les chemins noirs au moment où nous y passons, pour prendre du recul sur notre époque et sur nous-mêmes.
En montagne dans les Pyrénées, nous aussi avons nos chemins noirs : Les chemins qui reliaient les villages, ceux qui menaient aux champs, aux prairies, aux estives, aux mines, à la forêt, aux lieux sacrés. Ceux qui basculent d’une estive à une autre, d’une mine à une autre. d’un côté à l’autre de la frontière. Il en est de ceux-là que nous retrouvons un jour par hasard ou à force de recherches et dont nous nous plaisons à détecter le cheminement. C’est captivant. Souvent, ils « se perdent »; car depuis longtemps ils ne sont plus utiles, ne correspondant plus à notre organisation d’aujourd’hui. Toujours, ils nous plongent dans une époque révolue et nous imaginons le temps où ils étaient méticuleusement entretenus, empierrés et très fréquentés. On comprend alors à quel point la montagne grouillait de bergers, de vachers, d’animaux domestiques, d’enfants, d’adultes, de marchands, de contrebandiers, de marcheurs libres. Tous à pied!
Si je vous parle aujourd’hui des chemins noirs, ce n’est pas seulement parce que je viens d’achever la lecture agréable du livre déjà cité et veux la partager avec vous . C’est aussi pour vous inviter au voyage sur ces itinéraires encore présents dans nos montagnes. Contrairement à l’appellation de Sylvain Tesson peut faire penser,ils nous offrent de beaux moments de bonheur et de liberté.
- « Sur les chemins noirs » Sylvain TESSON, éd Folio
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